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La Lanterne
17 février 2008

La Baie des Anges (Jacques Demy, 1963)

labaiedesanges02Evénement Jeanne Moreau oblige, la Cinémathèque sort de ses cartons quelques perles inédites en DVD. Il en est ainsi de La Baie des Anges de Jacques Demy. Un film qu’on ne se lasse de revoir. L’histoire est celle de Jean Fournier, modeste et honnête employé de banque initié au jeu par l’un de ses collègues. Bien qu’encore novice en la matière, il part en vacances à Nice où il rencontre une certaine Jackie, joueuse de longue date dont il tombe immédiatement amoureux.

labaiedesanges01L’œuvre de Jacques Demy mériterait d’être mieux connue. La Baie des Anges (qui n’est pas une comédie musicale, soulignons-le) aborde le thème passionnant du jeu tout en revisitant le mythe d’Orphée et Eurydice. Une entreprise intéressante et assez bien menée à terme. Le film s’ouvre « à l’iris » sur le visage de Jeanne Moreau cheminant sur la Promenade des Anglais. S’en suit un travelling arrière long et énergique sur lequel défilent le générique et la musique étourdissante de Michel Legrand. Puis l’histoire commence, à quelques centaines de kilomètres de la côté, à Paris, aux côtés de Jean qui mène une vie droite, sage, sans surprise. En le voyant se mouvoir, on pense à ces personnages de dessin animé dont la conscience apparaît par moments sous la forme d’un petit diable et d’un petit ange qui s’opposent quant à la conduite à adopter. Jackie, qu’il entraperçoit lors de sa première visite dans un casino, fonctionne de manière tout à fait opposée. Lorsqu’on voit Jean mener sa vie au tout début du film, on aurait tendance à croire que Demy cherche à illustrer un malaise social. La suite nous emmène sur un chemin tout autre. Le coup de foudre se fera sur un coup de chance, escorté par le leitmotiv tourbillonnant de Michel Legrand. Une folle descente aux enfers se met en place. Jean a le béguin pour Jackie, le spectateur aussi. La femme fascine. Demy en fait un portrait pour le moins unique : libre, sans attache, parfois sans cœur. Jackie n’aime pas l’argent, mais c’est pourtant lui qui fait son bonheur. C’est un être malade, flottant sur la vie avec pour besoin permanent de s’amarrer continuellement à une roulette, sans quoi elle sombrerait. Nous la découvrons et l’admirons au même rythme que Jean, à qui elle se livre avec générosité et naturel. Tour à tour menteuse, parfois sincère, toujours émouvante. Demy sublime Jeanne Moreau à qui il offre, selon moi, l’un des rôles les plus beaux de sa carrière (La Baie des Anges témoigne d'ailleurs de son talent en ce qui concerne la direction d’acteur). Les dialogues sont enivrants et le débit de Jeanne Moreau met l’accent avec subtilité sur la profondeur des mots. Un portrait de femme très réussi qui confère au film une tonalité Nouvelle Vague évidente. Un esprit que Demy abandonnera dans les œuvres à venir.

labaiedesanges03Mais la femme est surtout l’incarnation du vice. Jackie est un ange noir aux cheveux blancs, une préfiguration de la mort. Elle emporte Jean sur les chemins de sa propre déchéance, une vie instable entre luxe et pauvreté : en soit le parfait opposé de ce qu’il vivait à Paris. Les lieux et la photographie du film participent de cette ambiance éphémère. Les miroirs qui enjolivent l’entrée du casino à Nice ne représentent pas moins que l’entrée des enfers, portes ouvertes sur une réalité toute autre. La fin du film qui montre Jackie repassant devant ces miroirs pour rejoindre Jean joue l’effet inverse. Orphée sort des enfers sans se retourner et sauve Eurydice qui marche derrière lui. Demy en est à son deuxième film, un univers bien à lui qu’on a déjà pu toucher du doigt avec le précédent Lola. Empreint d’une énergie inflexible, le cinéaste se forge. Si La Baie des Anges n’est pas une étape majeure, c'est néanmoins un film réussi.

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