Dans Paris (Christophe Honoré, 2006)
Dès les premières minutes de son film, on comprend que Christophe Honoré est un amoureux du cinéma. Mais attention : pas n’importe quel cinéma ! Une ambiance « nouvelle vague » plane sur Dans Paris, comme un âge d’or qui aurait traversé le temps pour atterrir sur le divan d’une famille de désaxés du 21ème siècle.
Pour son troisième long-métrage, Christophe Honoré prend pour cible des reclus, des personnages qui vivent telles des ombres dans la société. Ce n’est certes pas la première fois que ce sujet est traité au cinéma mais l’expérience n’est pas vaine : Christophe Honoré, dont l’esprit fourmille d’idées novatrices, ne se focalise pas uniquement sur ses personnages, il crée autour d’eux une atmosphère des plus assommantes. En arrière-plan : Paris, une cité immense et pourtant aussi étouffante que la chambre dans laquelle se cloître le dépressif Guillaume. La mise en scène s’amuse à casser les repères spatio-temporels. A quelle époque sommes-nous ? Celle où Truffaut et Godard redorent le blason du cinéma français ? Guillaume et Jonathan auraient très bien pu être leurs personnages. Comment ne pas penser au Doinel de Baisers Volés ou de Domicile Conjugal lorsque Garrel multiplie les rencontres sur les boulevards de la capitale ? Comment éviter la comparaison entre Duris et le Michel Poiccard d’A bout de souffle ou le Paul Javal du Mépris dans les conversations qu’il entretient avec sa copine ? Car voilà le secret d’Honoré, il entretient cette ambiance « nouvelle vague » mais remet le tout au goût du jour : les mots ne sont pas les même que chez Godard, mais le ton est identique.
Les acteurs (tous excellents) sont de différentes générations : Garrel et Duris d’un côté, Guy Marchand et Marie-France Pisier de l’autre (comédiens qui, comme par hasard ont été révélés par Truffaut, respectivement dans Une belle fille comme moi et Antoine et Colette). Mais ne nous y trompons pas, Dans Paris est un film moderne, il parle de la société et de ses désagréments sur les gens, de la futilité juvénile qu’elle implique et de la dépression fatale qui finit par s’imposer. Tous cela à travers la perception de deux êtres, deux frères qui recherchent chacun à leur manière la paix intérieure, le sentiment d’avoir le droit de vivre. Pourquoi pas se replonger dans son enfance ? Ou alors multiplier les conquêtes ? Oublier pour vivre, le ton est donné. Dans Paris est un très beau film, jonché de subtilités scénaristiques (le point d’orgue étant la conversation au téléphone entre Duris et Joana Preiss). A voir pour tout cinéphile qui se respecte.