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La Lanterne
17 février 2008

Volver (Pedro Almodovar, 2006)

volver01Depuis le fameux Tout sur ma mère, on sentait dans le cinéma d’Almodóvar une nouvelle recherche de fluidité contrastant avec les œuvres plus saturées de sa première période. Volver, en espagnol signifie « revenir » : un titre significatif quant aux intentions du cinéaste. Dans ce film, c’est avec maestria qu’il alterne comédie et drame dans un univers qui lui est totalement personnel. Le réalisateur frappe très fort avec Volver qui par ses nuances extrêmement bien maîtrisées, pourrait se présenter comme l’Almodóvar type. Une œuvre magnifique qui saura satisfaire tous les fanatiques de son univers (comme moi).

On connaît Almodóvar comme le cinéaste des femmes (Wong Kar Wai n’a d’ailleurs  pas hésité à le repréciser lors de la cérémonie de clôture du festival de Cannes 2006). Et Volver est tout à fait significatif de l’amour qu’il leur porte. Le village de La Mancha, dans laquelle il place le début de son film, est un univers totalement féminin qui rappelle l’enfance du réalisateur passée là-bas où il ne fut entouré que par des femmes. Outre la folie qui émane de cette région, Almodóvar y développe une communauté d’entraide, en particulier à travers le rapport que les habitantes entretiennent avec la mort.

volver02Outre cela, le cinéaste a su donner à son personnage principal (Raimunda) toutes les valeurs que la femme incarne pour lui : l’entraide, la générosité et le courage en particulier. Ainsi, on notera que les hommes sont quasi-inexistants dans ce film, mais ce « quasi » est néanmoins la conséquence de tous les malheurs qui forment les péripéties du film. Certes, on parle de la gente masculine (le mari d’Irene, celui de Raimunda) mais on la cite plus qu’on ne la voit. La famille qu’Almodóvar conserve reste féminine, plus saine, lui permettant désormais d’alterner comédie et drame sur le thème de la mort de façon extrêmement légère. Volver reflète aussi l’amour que le cinéaste porte à ses actrices, le festival de Cannes ne s’y est pas trompé en décernant un prix d’interprétation aux 6 interprètes principales. On notera que le film compte deux muses de l’univers almodovarien : Penélope Cruz dont c’est la troisième collaboration après En Chair et en Os et Tout sur ma mère mais surtout Carmen Maura qu’il a fait tourner dans 6 films avant Volver mais avec qui il n’avait pas retravaillé depuis 17 ans.

En bref, après une Mauvaise Education extrêmement noire et masculine, retour à la couleur avec Volver et ses femmes si sublimes…   

volver03Si le film porte ce titre, ce n’est pas un hasard. Almodóvar semble faire le point sur ses origines à travers les thèmes cinématographiques qui lui sont si chers. Ainsi, le lien familial qui se voit dans le film renvoie aux propres frère et sœurs du réalisateur qui l’ont aidé à écrire le scénario de Volver. Mais ça ne s’arrête pas là : à travers la famille de Raimunda, le cinéaste se questionne sur la mort. Le film s’ouvre d’ailleurs sur des femmes nettoyant les tombes de leurs aïeux (voire leur propre tombe dans le cas de Agustina), toutefois l’ambiance n’est pas morbide, le rapport entretenu avec les morts est tout à fait sain. Les interrogations commencent vraiment à affluer lorsque Almodóvar commence à ressusciter les morts. Il réussit alors une prouesse hitchcockienne, manipulant le spectateur comme il ne l’avait jamais aussi bien fait. Volver fait souvent penser aux tragédies classiques (de Sophocle à Shakespeare) où les morts reviennent sur terre et où l’enfant connaît la même fatalité que celui qui l’a engendré. Tout en modernisant le sujet, Almodóvar actualise le ton tragique pour lui donner un goût amer de problème social qui pèse sur les femmes d’aujourd’hui. Finalement, au moyen de tous ces ingrédients, le cinéaste parvient à montrer que l’enfer se trouve sur terre. Il nous parle de justice, montrant par le biais d’Irene que ce n’est pas dans la mort qu’elle est possible mais bel et bien dans la vraie vie. Par cela, il développe une théorie de l’équilibre qui parcourt le film de long en large. Certes, à l’intérieur du film (où comme le dit Agustina, le linge sale doit se laver en famille) mais aussi autour de sa construction par une maîtrise de mise en scène qui ne fait que témoigner de la maturité du cinéaste.      

volver04Volver, comme je l’ai mentionné précédemment, est peut être l’œuvre la plus aboutie de Pedro Almodóvar. Fidèle à lui-même, on retrouve des thèmes qui lui sont propres : l’enfance martyrisée, les couleurs, Madrid, la quête des origines, le désir, les pulsions d’amour et de mort…Mais au-delà de ces particularités qui caractérisent son cinéma, le réalisateur se perfectionne dans l’écriture des scénarios  et devient ainsi meilleur narrateur. Comme il le désirait lui même, le récit est transparent. En regardant Volver, on peut penser à Qu’est ce que je fais pour mériter ça (les faubourgs populaires) ou encore à Talons Aiguilles (le lien mère/fille). Pourtant, aucun des autres films du cinéaste n’égale sa dernière oeuvre par sa justesse. Depuis l’assagissement d’Almodóvar (avec Tout sur ma mère), son excentricité en avait pris un coup. Ici, on retrouve l’ambiance de ses vieux films, une de ses anciennes collaboratrices (Carmen Maura) et une intrigue parfaitement mesurée. La transparence du film est pourtant due à une certaine simplicité. Mais une simplicité édulcorée et élégamment maîtrisée. Notamment sur l’équilibre entre le drame et la comédie. Almodóvar marie les genres à la façon de ses premières œuvres (le drame aime à se ressourcer dans le burlesque). Le scénario est lisse et pertinent, les actrices savoureuses et la mise en scène audacieuse tout en restant sobre. Du grand cinéma. A ne manquer sous aucun prétexte !

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