Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Lanterne
17 février 2008

Un baiser s'il vous plait (Emmanuel Mouret, 2007)

unbaisersilvousplait01Emmanuel Mouret a des astuces plein les poches et l’énergie d’un jeune artiste. Si jamais vous le découvrez pour la première fois avec Un baiser s’il vous plaît, jamais vous ne croirez que cet acteur-réalisateur approche des 40 ans et qu’il en est déjà à son septième opus. Au cinéma Mouret reste jeune. A chaque présentation d’un nouveau film, on en est encore à penser qu’il s’agit du premier. Mais pas n’importe quel premier ! Un premier comme le fut Les Quatre cents coups de Truffaut, un premier exempt de défaut, un premier parfait !

Car le cinéaste est malin : afin d’éviter les bourdes académiques, rien de plus sécurisant que de créer son propre style. Pour nombre de ses collègues de la même génération, la tâche fut vouée à l’échec. Pour Emmanuel Mouret en revanche, les efforts ont été payants. Le temps se chargera d’attribuer une mention d’excellence à ces esquisses dont la signature est encore trop méconnue. Pour autant, ne nous y trompons pas : le cinéaste a bien conscience de sa qualité d’illusionniste. Oh que non ! Il n’est pas né de la dernière pluie ! Cette modestie qui parcourt ses films (et tout particulièrement Un baiser s’il vous plaît) participe d’un effet d’accroche. Le spectateur, qui n’oserait jamais traiter une telle œuvre de « prétentieuse », est ainsi ouvert à tout spectacle quel qu’il soit. La magie Mouret peut alors opérer. Une simple rencontre : Emilie et Gabriel. Presque un coup de foudre. Mais quand vient l’heure du baiser, un temps mort est proclamé. En guise de prévention, la jeune femme prend le temps de raconter au jeune homme l’histoire de Judith et Nicolas : une histoire d’amour comme il y en a tant d’autres…

unbaisersilvousplait02Oui l’histoire est simple et modeste. Ce qui la rend merveilleuse, c’est qu’elle est prise en main par Emmanuel Mouret, l’artiste. Notre cinéaste est un amoureux de la langue. Les dialogues de ses films sont extrêmement rigoureux (on y pratique l’académique « cela » à défaut du vulgaire « ça »). Tout détail a son importance. La langue participe de la constitution des personnages, tout droit sortis d’une encyclopédie de littérature. Il y a du Marivaux dans les situations, mais aussi du Chrétien de Troyes et du Musset. Finalement, lorsque la salle se rallume, on ne s’étonne pas que seul l’étranger ait été lésé dans notre histoire. Voila qui explique certainement la méconnaissance de Mouret et son absence dans les festivals internationaux : son cinéma s’inscrit dans une pure tradition française, comme le fut celui de Guitry en son temps. Et pourtant ce sont des traditions passées et révolues auxquelles il se réfère. Mais c’est cette désuétude ambiante qui mêle amour courtois et formules de politesse excessives qui conduit au style. Un baiser s’il vous plaît est avant tout un film comique où les anachronismes fusent en tout sens, provoquant sur leur passage des explosions de rire. Judith et Nicolas sont des naïfs, des Tristan et Iseult propulsés dans le XXIème siècle tout en ayant conservé leurs valeurs d’antant. Evidemment, l’effet est tordant !

unbaisersilvousplait03Mouret va même plus loin : tout en restant pudique il insuffle à son film une dimension sensuelle (voire sexuelle) tout à fait étonnante car inattendue. Sans compter sur la participation du cinéaste en tant qu’acteur. Son jeu, comme dans le précédent Changement d’adresse, participe activement à ce ton décalé et tout à fait novateur. Comme Charlie Chaplin ou Woody Allen, il promène le même personnage de film en film. Et bien qu’il soit osé de se placer dans la lignée de ces grands icônes du cinéma, jamais il ne nous viendrait à l’idée de qualifier Emmanuel Mouret de « prétentieux ». Non, pas de reproche. Son film est sans défaut, intelligent et plein d’audace. L’ « harmonie » est le maître mot : des actrices fabuleuses qui jouent sans fausse note (Gayet, Bel, Ledoyen) jusqu’aux maîtres d’ambiance, de Schubert en Tchaïkovski, qui se chargent de conférer au film une atmosphère bobo aimablement moqueuse. Oui, Emmanuel Mouret est un grand cinéaste, et ce n’est pas la première fois qu’il le prouve. Laissez-vous tenter et succombez à ce merveilleux baiser. Sûr qu’il vous plaira.   

Publicité
Commentaires
La Lanterne
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité