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La Lanterne
18 février 2008

L'Année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961)

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Beaucoup de cinéastes se sont essayés à brouiller les frontières entre rêve et réalité. Si certains s’y cassent la pipe, d’autres arrivent à fasciner. C’est le cas d’Alain Resnais avec L’Année Dernière à Marienbad. Une fois de plus le cinéaste se frotte aux auteurs du Nouveau Roman : après Marguerite Duras qui avait signé le scénario d’Hiroshima mon amour, il fait ici appel à Alain Robbe-Grillet. Difficile de restituer un synopsis fidèle du film tant la présentation des faits invite en permanence au doute. Néanmoins on s’y risque ! L’histoire tient sur l’argumentation d’un homme qui cherche à convaincre une femme qu’ils auraient eu une liaison un an auparavant à Marienbad.

lanneederniereamarienbad02Toute l’action se situe dans un domaine clos très luxueux de style baroque. Le cinéaste nous invite au film en sublimant les lieux alors qu’une voix-off se fait doucement entendre pour devenir de plus en plus audible. Serait-ce un fantôme qui nous parle ? Ou bien un guide ? Sans trouver véritablement de réponse nous passons de pièce en pièce sur de lents travellings qui confèrent à l’espace une atmosphère métaphysique. Et pour cause… des pièces vides se succèdent, une voix se fait entendre… et personne à l’image. Serions-nous dans un château hanté ? Pas loin en tout cas… finalement c’est une pièce de théâtre qui est jouée dans une salle annexe. Les spectateurs, tels des pions, affichent des expressions neutres et demeurent immobiles. Fin du tableau : les pions s’animent, les voix s’entremêlent, les visages se multiplient. Resnais ramasse les morceaux d’un miroir brisé. Un miroir dont la réalité qui s’y reflète n’est plus tout à fait exacte. La grammaire du cinéma s’en voit toute retournée. Le metteur en scène expérimente en faisant cohabiter des espaces dissociés, en oubliant les raccords, en multipliant les voix, voire en modifiant en permanence le rythme de son montage. Tout se bouscule, comme si nous étions dans la tête du personnage féminin incarné par l’une des plus merveilleuses actrices qu’ait connu le cinéma français, Delphine Seyrig.

lanneederniereamarienbad03On le sait, Resnais est le cinéaste de la Mémoire. Après s’être penché sur la collective qui touche à l’Histoire de l’humanité (Nuit et Brouillard, Hiroshima mon amour), peut-être a-t-il trouvé bon de redonner à la mémoire son m minuscule en se focalisant sur l’homme (ou plutôt ici, la femme) le temps d’un film. Les récits s’entremêlent et notre mystérieux narrateur touche finalement les problèmes du couple dans lequel Delphine Seyrig se trouve engagée. Cela suffira pour la convaincre de s’enfuir avec lui. Tout indice de temps s’est dilué dans la forme du récit et les réalités s’en retrouvent multipliées. Quoi qu’il en soit, et malgré mon usage du présent de l’indicatif, on ne peut véritablement parler de L’Année dernière à Marienbad qu’au conditionnel. Ses secrets ne seront probablement jamais percés. Encore aujourd’hui, l’auteur aime à rester vague et incertain en l’évoquant. Mais que Resnais nous parle d’amour, de mort ou d’Histoire, l’intérêt de son film reste le même. Marienbad est fascinant car intraduisible. La forme est unique, sublime, fascinante et cela suffit. Comme quoi le beau peut enivrer, et l’inconnu plaire.

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