Paris (Cédric Klapisch, 2008)
Depuis la fin des années 50 Paris reste la ville qui fait majoritairement office de décor dans les films français, certains réalisateurs arrivant à la mettre en valeur plus que d’autres (Varda, Honoré, Truffaut, j’en passe et des meilleurs). Le projet de Klapisch s’inscrit dans la même lignée géographique qui avait vu naître L’Auberge Espagnole et Les Poupées Russes. Retour au pays, le réalisateur pose ses bagages et sa caméra dans les rues de la capitale. Assumant pleinement l’effet carte postale, il fait à nouveau appel au genre choral pour dresser le portrait de son Paris à lui. Mais son Paris c’est aussi celui de Pierre, ancien danseur victime d’un problème cardiaque et qui vraisemblablement n’en à plus pour très longtemps. C’est celui d’Elise, assistante sociale qui subit la vie plus qu’elle n’en profite. C’est celui de Roland, professeur universitaire qui tombe amoureux de l’une de ses élèves. Bref, le Pari(s) de Klapisch, c’est le Paris de tout le monde !
Paris n’innove en rien en ce qu’il use des mêmes ficelles que les précédents Klapisch. Or au bout d’un moment, le principe finit par lasser. Faire un film choral est une entreprise périlleuse et un bon casting ne suffit pas à rattraper les erreurs. Paris marche pourtant assez bien dans sa première heure. Klapisch ouvre majestueusement son film sur un montage efficace fait de morceaux de paysages et de bribes de conversations. S’en suit la présentation des personnages : étape aussi bien réussie tant les caractères sont solides et les appartenances sociales bien définies (le danseur, le marchand, l’assistante sociale, l’architecte, le prof, l’étudiante, etc.). Dans un premier temps, le scénario participe énergiquement de l’évolution des êtres. Klapisch, comme a son habitude, est très à l’aise dans le domaine comique et laisse entrevoir quelques bonnes idées (l’émission TV du prof, la séquence chez le psy, la séduction de la collègue assistante sociale, etc.). Malheureusement tout finit par s’embourber, la structure s’effondre et l’énergie s’échappe. Très vite les personnages font face au deuil, à la nostalgie, à la solitude. Klapisch lâche ses acteurs (à proprement parler) dans la faune parisienne. Dès lors, chaque interprète n’a plus qu’à défendre sa peau. Le film fonctionne ainsi en roue libre sur le capital sympathie de tel ou tel personnage : un mode de fonctionnement qui tournait à plein régime pour L’Auberge espagnole, qui commençait à rouiller pour Les Poupées russes mais qui désormais est définitivement bon pour la casse. Nous sommes donc poussés à faire le tri entre bons et mauvais acteurs. Le trio de tête assure : Juliette Binoche (dont les rires et sourires nous font toujours autant craquer), Fabrice Luchini (à qui l’on s’accroche de bout en bout) et Romain Duris (décidemment avec Louis Garrel l’acteur le plus intéressant de sa génération). On notera aussi les jolies performances de Julie Ferrier et Karin Viard, sans plus.
Un film choral peut facilement être redécoupé en morceaux. Profitons de cette option pour sauver le magnifique rapport frère-sœur qu’établit Klapisch entre Romain Duris et Juliette Binoche. Profitons-en aussi pour retenir sa vision de la ville traitée tel un personnage sous tous ses angles (Paris gastronome, Paris mode, Paris étudiante, Paris historique, etc.) et tant pis si le tout tombe dans le stéréotype voire dans le hors-sujet (le voyage du Camerounais).
Le regard du réalisateur sur Paris n’est pas critique, il est bienveillant. Dès le début du film, Romain Duris avoue que son passe-temps préféré est d’observer les badauds, qu’il aime en faire les héros des histoires qu’il s’invente. C’est tout à fait le regard que porte Klapisch sur ses personnages. Du poissonnier à l’architecte, de l’assistante sociale au professeur, tous sont à considérer. C’est cet intérêt porté à chaque individu qui permet la très simple identification aux personnages de Paris. C’est aussi ce qui fait de Klapisch un cinéaste très apprécié en France. Pourtant les caractères de ses films (et notamment de celui-ci) sont peu réalistes et tombent facilement dans le domaine de l’illusion. Difficile de croire que ces quatre mannequins sortis de leur défilé aient choisi comme projet de fin de soirée d’aller draguer des poissonniers. Les ficelles de Klapisch sont carrément fluorescentes ! On les renifle à cent mètres. De même que ça ne fonctionne pas lorsqu’on tente de rapprocher Juliette Binoche et Albert Dupontel (franchement quel couple improbable !). Paris est traité tel un cliché, Klapisch l’assume dès le début et le spectateur accepte finalement le postulat. Ce qui est moins acceptable c’est la tendance générale du film à la banalité. Il serait temps pour le réalisateur d’Un air de famille de se réveiller et de passer à autre chose !