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La Lanterne
1 mars 2008

La Chevauchée fantastique (John Ford, 1939)

lachevaucheefantastique01Entre tous ceux qui ont redoré le blason du western lors de l’avènement du cinéma parlant (Walsh, Vidor, Curtiz, DeMille, etc.) John Ford demeure et demeurera l'auteur le plus emblématique. Le bonhomme aimait le genre car il lui permettait de fuir les étouffants studios d’Hollywood avec pour bonus de voyager sur les terres du grand Ouest. La Chevauchée fantastique marque non seulement un tournant dans sa carrière personnelle (il précède un grand nombre de chefs d’œuvres) mais également un tournant dans l’histoire du cinéma américain puisqu’avant sa sortie, la critique considérait encore le western comme un genre mineur. Désormais il en sera tout autre. Le film adapte très librement le Boule de suif de Maupassant (l’un des deux auteurs français les plus influents outre-Atlantique avec Victor Hugo) en le transposant au Far West. Une diligence menée par Buck et le sheriff Curly doit rejoindre Lordsburg. Pour se faire, elle est contrainte à traverser le territoire menacé par les Apaches et leur redoutable chef Geronimo. A son bord ont pris place un médecin alcoolique et philosophe à ses heures, un placier en whisky, une ancienne prostituée, un joueur professionnel sudiste, l’épouse enceinte d’un officier et un banquier qui cherche à s’enfuir avec 50 000 dollars. A toute cette joyeuse troupe s’ajoute Ringo Kid, un hors-la-loi rencontré sur la route que Curly s’empresse de coffrer. Evidemment, le périple est semé d’embuches.

Voyez La Chevauchée fantastique et vous comprendrez toute l’ampleur du génie de John Ford. Le film fonctionne sur tous les niveaux. Le climat est particulièrement dense, entre la menace permanente des indiens et les péripéties humaines auxquelles sont confrontés les personnages (une histoire d’amour, une naissance, etc.). Le chef d’orchestre Ford donne vie au moyen de sa baguette à tout un florilège de caractères, tous emblématiques d’une fonction sociale bien définie (bourgeoisie, reclus, justice, milice, hors-la-loi,…). Aucun n’est laissé pour compte et tous participent à la création d’une énergie contagieuse assez comique. Questions de préjugé, de traitrise, de vengeance… si la guerre fait rage à l’extérieur, les conflits éclatent aussi bien à l’intérieur. La diligence de Ford enferme l’Amérique dans un carcan où tout apriori social est destiné à s’écrouler. L’union fera la force dans une scène d’action paroxystique qui confrontera toute notre joyeuse troupe à une tribu d’indiens déchainée. Palpitant à souhait.

lachevaucheefantastique02Au-delà de ses aspirations morales, le film est également remarquable en ce qu’il incarne tout le savoir-faire d’une période bien précise. Peut-on trouver plus classique que La Chevauchée fantastique ? J’en doute. Ford est un adepte des plans fixes. Ses cadres sont extrêmement savants, dominés par une souveraineté géométrique implacable où tout détail trouve son importance. Le dynamisme du montage révèle l’efficacité des choix de mise en scène. Malgré la fixité permanente et l’usage répété des gros plans, l’intérêt ne flanche pas et la tension reste à son comble. Evidemment, toute mouvance gagne de ce fait une dimension hautement symbolique (c’est ainsi que les deux plans les plus connus demeurent l’apparition floutée de John Wayne et le panoramique soudain sur les indiens). Sur le plan formel, le film incarne ainsi tout un savoir-faire propre à l’âge d’or du cinéma Hollywoodien. Evidemment, John Ford en fut l’un des innovateurs majeurs.

lachevaucheefantastique03L’adéquation magique qui opère entre le fond et la forme demeure l’un des effets les plus surprenants de La Chevauchée fantastique. Le film doit cela au procédé narratif dont John Ford est friand et qui consiste à conférer à l’histoire une portée légendaire d’ores et déjà acquise dès les premières minutes. Le mythe est bien présent, dans tous les plans, dès lors qu’est annoncé le nom de « Geronimo » lors de la première scène. Nous sommes face à une Amérique au berceau, nous revivons le temps des pionniers (les décors de Monument Valley insistent sur cette dimension bien particulière). C’est d’ailleurs sur des reclus de la société que le spectateur porte toute son attention finale (la prostituée Dallas et le hors-la-loi Ringo). Avec eux, c’est une nouvelle épopée qui commence alors qu’apparaît le traditionnel « the end ». L’histoire d’une nation, la gloire d’un genre. A voir, bien évidemment.

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Commentaires
T
Pour ce qui est du final cut, c'est bien possible qu'il en ait été ainsi étant donné qu'à cette époque le producteur disposait de tout pouvoir. Welles fut l'un des rares à avoir le final cut dès ses début...<br /> En revanche pour la fin, il ne me semble pas que ce soit filmé à travers un miroir :s
M
J'ai entendu dire que la première version de la fin du film (où apparement il n'y avait pas vraiment de happy end)avait été refusée par la Major et que n'ayant pas le final cut, Ford avait été forcé de tourner cette fin plus gentillette...mais aussi que le fait qu'il la filme à travers un miroir est un signe adressé au spectateur. (un commentaire intéressant? mais qu'est ce qui m'arrive??)
La Lanterne
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