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La Lanterne
16 mars 2008

Le Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001)

levoyagedechihiro01En 2001, Le Voyage de Chihiro vient confirmer le talent du désormais incontournable Hayao Miyazaki. De Totoro en Kiki la petite sorcière, de Nausicaa en Mononoké, le maître excelle en matière de magie. L’atmosphère qui se dégage de ses films est unique, preuve évidente d’une belle signature d’auteur. Le dessin animé (ou manga), s’il s’adresse en priorité aux enfants (Miyazaki n’en dément pas), aborde également des thèmes extrêmement développés dans des branches plus « adultes », à savoir politiques, écologiques ou sociales. Il fallut pourtant des années au cinéaste pour se faire un nom au-delà des frontières japonaises. Aux Etats-Unis comme en France, on le découvrit avec Porco Rosso en 1995 alors que ses premiers chefs d’œuvres tels que Nausicaa ou Le Château dans le ciel datent du début des années 80 ! Depuis, on cherche à rattraper le temps perdu (et l’argent en ce qui concerne les distributeurs). C’est ainsi qu’on se retrouve encore dans les années 2000 à diffuser pour la première fois des films qui datent de plus de vingt ans. Heureusement, aujourd’hui chaque nouvel opus du maître est loin de passer inaperçu et se trouve distribué rapidement aux quatre coins du globe. Le Voyage de Chihiro fut ainsi accueilli comme un film-messie, remportant des prix ça et là, de l’ours d’or Berlinois à l’oscar du meilleur film d’animation à Hollywood. Autant dire que la réputation du metteur en scène n’est plus à faire.

Chihiro est triste. Elle a du quitter son école et ses amis pour partir habiter ailleurs avec ses parents. Sur le chemin qui les mène vers leur nouvelle maison, ils s’égarent au milieu d’une forêt. Intrigués par l’atmosphère des lieux, la famille sort du véhicule et poursuit à pied dans un tunnel qui aboutit à un parc d’attraction désaffecté. Envoutés par l’odeur des mets disposés à l’entrée d’un restaurant, les parents s’installent confortablement et commencent à s’empiffrer. Chihiro tente de les en dissuader puis renonce et part à la découverte des lieux. Alors que la nuit commence à tomber, elle rencontre Haku, un mystérieux jeune garçon qui la met en garde et l’encourage vivement à quitter cet endroit au plus vite. Elle rejoint alors ses parents qui entretemps ont été transformés en cochons. Terrifiée, Chihiro se retrouve en plein cœur d’une ville fantôme dans laquelle dieux et esprits viennent se délasser. Déterminée à sauver ses parents et épaulée secrètement par Haku, Chihiro décroche un emploi au palais des Bains dirigé par la sorcière Yubaba…

levoyagedechihiro02Comment être insensible à tant de poésie ? A l’évidence, Miyazaki est un auteur extrêmement cultivé et la structure de son film s’inspire grandement des contes de Lewis Carroll. Chihiro est une Alice japonaise perdue en plein rêve. Le monde des humains a disparu, désormais elle vivra parmi les esprits. En cela, les thermes de la cruelle Yubaba accueillent toute une galerie de dieux orientaux qui font bien évidemment référence à une mythologie propre au pays du soleil levant. La structure choisie (le conte), permet de multiplier les références religieuses à travers chaque péripétie. C’est ce qui fait peut-être du Voyage de Chihiro le film le plus exotique et le moins international de tout ce qu’a pu réaliser Miyazaki. En cela, le spectateur occidental ne peut qu’être émerveillé de tant d’innovations, autant par les choix de mise en scène que par le goût de l’inconnu tant l’atmosphère recèle de magie orientale, à mille lieux de ce que produit Hollywood en matière d’animation.

levoyagedechihiro03Miyazaki se permet néanmoins quelques dénonciations. Il en va ainsi du pouvoir de consommation comme de la folie de l’or, des thèmes propres à l’occident mais qui s’infiltrent de plus en plus en terre orientale. L’auteur et tout son studio de production (Ghibli), se veulent les fiers défenseurs d’une philosophie écologique héritière de traditions diverses, qu’elles soient shintoïstes ou bouddhistes. Le Voyage de Chihiro en est l’un des exemples les plus évidents, même s’il ne se penche pas sur des thèmes écologiques comme l’auront fait Nausicaa et Princesse Mononoke du même Miyazaki ou encore Pompoko de l’autre maître des studios, Isao Takahata. Le film représente en revanche les mauvais penchants de la mondialisation, notamment à travers le très beau personnage du Sans-visage, soumis à la folie après avoir adopté les codes institués par Yubaba (l’argent est roi).

levoyagedechihiro04Miyazaki continue sur sa lancée en édifiant un film sur la nature des êtres. Le « Connais toi toi même » propre à Socrate s’y appliquerait à merveille. Les idées affluent, toutes plus incroyables les unes que les autres (l’idée du prénom que l’on vole et que le détenteur finit par oublier, perdant ainsi sa liberté). Il en va de même pour la mise en scène. Retenons notamment cette merveilleuse séquence du train où seule Chihiro semble nette alors qu’autour d’elle tout disparaît. Le Voyage de Chihiro est bel et bien un film sensationnel qui fait appel à des émotions diverses tout en proposant un véritable regard sur la société actuelle. Miyazaki s'appuie sur une certaine mélancolie propre aux légendes et aux traditions orientales qui confère au film une atmosphère exotique tout à fait envoutante. Un bain régénérant extrêmement efficace. Un chef d’œuvre, tout simplement.

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Commentaires
J
"Un chef d’œuvre, tout simplement."<br /> =)
La Lanterne
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