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La Lanterne
8 mai 2008

Le Journal d'une femme de chambre (Luis Buñuel, 1964)

lejournaldunefemmedechambre01Le Journal d’une femme de chambre ouvre un nouveau chapitre dans l’épopée Buñuel. D’une part, le film marque son retour sur le territoire français après un crochet par l’Espagne, mais surtout il affirme la naissance d’un duo majeur dans l’histoire du cinéma : le nom du cinéaste sera désormais adjoint à celui de Jean-Claude Carrière, auteur de scénarii ouverts aux délires les plus poussés, et toujours fermement jonchés d’un discours social généralement évocateur. Le Journal d’une femme de chambre ouvre le feu : en ligne de mire, une galerie de provinciaux français tous plus haïssables les uns que les autres.

Célestine quitte Paris pour s’installer en province. Elle est engagée comme femme de chambre chez les Monteuil. Madame n’accorde d’intérêt qu’à son porte monnaie alors que Monsieur s’adonne dans son dos à des plaisirs bien peu catholiques. A l’étage, le père de Madame cultive de petits plaisirs bien futiles, se plaisant à faire essayer à quelques jolies plantes sa collection de bottines d’un autre temps. Et puis il y a les autres domestiques dont ce fameux Joseph, répugné par les juifs et les métèques. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Célestine en voit de toutes les couleurs dans sa nouvelle demeure.

lejournaldunefemmedechambre02Le Journal d’une femme de chambre a presque les caractéristiques d’un film expérimental. On se retrouve face aux tatonnages d’un cinéaste et de son scénariste, deux petits chimistes imprudents qui laissent quasiment pour compte leur trame principale (bien qu’en soit, le conflit est relativement mince, pour ne pas dire complètement inexistant). Ce qui prime ici, c’est la critique sociale que Buñuel nous balance crument à la figure via une galerie de personnages haïssables au possible. Ces bonhommes, on les connaît tous ! Ils hantent le cinéma de Buñuel depuis ses débuts. Des bourgeois menteurs et vicieux, à l’image d’un Piccoli satire, de ce grand-père fétichiste ou de cet ancien combattant qui se délecte à balancer des ordures chez ses voisins. Les domestiques en prennent aussi pour leur grade, machistes exécrables et fervents admirateurs de la France corrompue du maréchal Pétain.

lejournaldunefemmedechambre03Il faut bien le dire, la réussite n’échoit qu’aux plus cons ! C’est du moins ce que Buñuel affirme lors de son final satirique à souhait. Aucune justice, le vice est vainqueur. Dans ce monde sans pitié, Célestine apparaît comme un ange. Certes elle se parfume, certes elle est un peu vulgaire, certes elle est aussi maladroite : mais qu’est ce que ce genre de défauts à côté d’un homme qui prend un malin plaisir à violer de jeunes gamines ? Jeanne Moreau est attachante malgré le peu d’investissement de son personnage. La bonne s’improvise détective et usera de ses charmes pour arriver à ses fins. Si ce n’est que Buñuel écourte violemment son enquête, coupant court à toute issue morale dans les dernières minutes. Si Le Journal d’une femme de chambre nous laisse un léger goût amer, c’est pour mieux nous préparer aux chefs d’œuvres à suivre : peut-être encore moins moraux mais, en revanche, bien plus convaincants.

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