Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Lanterne
20 juillet 2008

Aguirre, la colère de Dieu (Werner Herzog, 1972)

aguirre01

   

Il suffira de quelques plans pour comprendre qu’Aguirre, la colère de Dieu est un film important. La caméra se promène de bas en haut, dévoilant quelques hommes perdus dans la brume. Une musique médiévale aux aspirations rock se greffe dessus et comme par enchantement une magie se dégage. La même vague poétique nous accompagnera tout au long de cette aventure coloniale démesurée. L’histoire est celle d’une expédition espagnole entreprise en 1560 et au départ composée d’un peu plus de mille aventuriers. Ils quittent la sierra péruvienne pour s’enfoncer dans la forêt vierge à la recherche d’El Dorado. Les hommes de l’expédition en viennent à souffrir, en proie à la faim et à diverses maladies. Le commandant en second, Aguirre, profite de la faiblesse générale pour désobéir aux ordres de son supérieur. Il le fait emprisonner et décide de poursuivre sa funeste expédition quoi qu’il en coute, porté par sa seule mégalomanie. Herzog est allé tourner son film en décors naturels au Pérou, risquant sa vie et celle de son opérateur selon ce qui fut rapporté par l’équipe. Une odyssée réelle aurait ainsi accompagné l’aventure fictive. Est-ce de là que provient l’aura pour le moins unique d’Aguirre ?

aguirre02

   

La mise en scène est brumeuse, enveloppée d’un nuage de folie hypnotique. Herzog allonge ses plans dans le temps avec un souci de contemplation qui pourrait facilement lasser les réticents au genre. Nous sommes loin du film d’aventure, il s’agit là de capter la démence d’une expédition, et plus particulièrement celle d’un seul homme, Aguirre, alias le génial Klaus Kinski. Conquistador raté et leader terrifiant au regard pervers, il dégage une aura unique quoique malsaine. Le personnage n’est pas sans rappeler Hitler, le film pouvant d’ailleurs être interprété comme une allégorie du IIIème Reich. La démesure d’Aguirre prendrait alors tout son sens : la dernière scène le montre seul après que tout son équipage ait été tué, fantasmant toujours sur la création d’une nouvelle race alors qu’une tribu de singes a envahi son radeau. La quête aura entraîné des milliers de mort pour finalement n’aboutir a rien. L’humour aidant (et Herzog n’en manque pas), le personnage, aussi terrifiant soit-il, en devient complètement ridicule.

aguirre03

   

Enfin, il est nécessaire de revenir sur la doctrine religieuse qui couvre également le film. Si les moines sont présents dans l’expédition, c’est bien entendu pour convertir le prétendu nouveau peuple au christianisme. La confrontation avec les tribus aborigènes fera sombrer également la religion dans le ridicule, les conquérants trouvant toujours prétexte à reconnaître de nouveaux blasphèmes. Dans son ensemble, le film fait penser à une quête du Graal (finalement toujours en accord avec le thème général de démesure). L’amazone sur lesquels s’embarquent les conquistadores est terrifiante, l’eau remue la terre a tel point qu’on la croit en ébullition. On pense au Styx, le fleuve des morts. Les mouvements de caméra agrémentent l’aura divine des éléments. Herzog alterne plans fixes et plans à l’épaule, ces derniers faisant fortement penser à de la caméra subjective. En cela, Herzog emprunterait les méthodes du film d’horreur. Simplement, utilisés dans de telles conditions, l’effet n’en demeure que plus fantastique, conférant au film une exclusivité supplémentaire. Aguirre, la colère de Dieu est une oeuvre profonde qu’on ne peut entièrement intercepter au premier visionnage. La démesure trouve certainement ici l’une de ses expressions les plus franches en cinéma. A voir.

Publicité
Commentaires
D
j'ai adoré ce film!!!! je te conseille aussi Fitzgarraldo.<br /> A bientot et bisous
G
Ce classique tourné en 1972, que j'ai découvert hier au cinéma Champollion, m'a paru bâclé, barbant, d'une incroyable lourdeur et d'une prétention stupide, sans le moindre soupçon d'humour ni de finesse. Kinsky est nul comme un bloc de pierre. Clins d'œil appuyés. Gestes stéréotypés. Et Herzog multiplie les clichés et invraisemblances. Que viennent faire ces bananiers, plantes asiatiques, dans un village amazonien? Et ces pamplemousses, des agrumes chinois! On s'étonne aussi d'une invasion de cercopithèques, primates africains, au cœur de l'Amazonie. Quand Spielberg, vrai génie, lui, écrit un récit de fiction, il prend garde à ces détails. Tandis que Herzog, caparaçonné dans sa suffisance intello et sûr de son public de bobos bolchos, n'essaie même pas de s'informer sur l'histoire qu'il tourne, ni sur la géographie où elle s'inscrit. Il est au-desus de ça, n'est-ce pas? A ce niveau d'invraisemblance et de vacuité, on préfère un film d'aventures populaire, tel "les Aventuriers de l'Arche Perdue", sans prétention, mais avec un vrai rythme, du suspense et un vrai savoir-faire. Herzog, hélas, a totalement récrit l'histoire d'Aguirre, sans avoir ni la culture ni le talent pour soutenir sa version. Seulement les deutsch marks...
N
Très bel article pour un film exceptionnel. Hanté du début à la fin par le fantomatique Klaus Kinski et tenu en étau par la justesse du génial Herzog, ce film donne naissance à une beauté exaltée, rude mais époustouflante. Félicitations à toi, pour faire revivre ces films d'auteurs magiques et imprenables.
La Lanterne
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité