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La Lanterne
15 septembre 2008

Ninotchka (Ernst Lubitsch, 1939)

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« Garbo rit ! » fut le slogan publicitaire de Ninotchka, première comédie et avant-dernier film de l’actrice. Après avoir été la plus grande star du muet, Greta Garbo a su brillamment relancer sa carrière dans le cinéma parlant. Une prouesse à souligner tant à Hollywood l’apparition du son brisa les carrières de la majorité des acteurs, de Buster Keaton à Gloria Swanson en passant par Mary Pickford, Douglas Fairbanks et tant d'autres. Mais Garbo, elle, passa entre les mailles du filet tant son joli minois jamais ne cessa d’inspirer les cinéastes divers et variés. En tête de file une valeur plus que sure : Ernst Lubitsch, le roi de la comédie américaine. Garbo se glisse ici dans la peau d’un agent russe, Ninotchka de son prénom, venue surveiller le bon déroulement de la vente des bijoux de la Grande Duchesse Swana à Paris. Le Comte Léon (Melvyn Douglas), fidèle serviteur de la duchesse en question, s’éprend de Ninotchka au premier coup d’œil et s’efforce tant bien que mal de la séduire. L’affaire prend alors une nouvelle tournure…

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Garbo et Lubitsch : on pouvait s’attendre à des étincelles, d’autant plus qu’en parcourant la liste des scénaristes on trouvait également le nom de Billy Wilder. Alors on en était persuadé, Ninotchka serait une valeur sure… et bien il n’en est rien, on en ressortira légèrement déçu. Pourtant, comme à son habitude, Lubitsch assure à la mise en scène en alignant les gags cocasses, notamment au début alors que Garbo est absente et que l’intrigue nous est dévoilée par ses prédécesseurs, trois camarades russes qui se laissent gagner par les bienfaits du capitalisme. Une fois tous les éléments mis en place, Garbo fait son apparition, impeccable en agent russe impassible, intelligente et intransigeante. Les subterfuges opérées par Melvyn Douglas pour la séduire sont tordants : lui si romantique, elle si sévère, le mélange prend tout de suite. Alors advient le problème du rythme. Car cette Garbo soviétique, caricaturale à souhait, est exploitée bien trop longtemps. Il en sera de même lorsque ses préceptes s’inverseront. Une fois sous le charme du comte Léon et convertie aux mœurs capitalistes, le personnage perdra en impassibilité et se trouvera soumis là où initialement il dominait. Dommage car dès lors, Garbo laisse échapper son potentiel comique et s'engonce dans un ton romanesque bien trop convenu. A l’arrivée, peu de consistance. Fatalement, notre enthousiasme s’effiloche. Lubitsch étire le temps là où d’habitude il s’applique à l’économiser. En comédie, même lui le savait mieux que quiconque, ça ne pardonne pas.

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Toutefois, si l’on est déçu de l’envolée lyrique du film, on ne peut que se réjouir de son ton et de ses dialogues souvent percutants. A noter que l'action se déroule en Europe et que jamais on n’y entend parler des Etats-Unis. Il en reste que la critique envers le communisme est bel et bien là. Le mode de pensée est caricaturé comme il se doit, certes par Garbo, mais surtout par ses trois compères toujours partant pour se laisser aller aux petits plaisirs prohibés. Sur cet aspect, le film est audacieux et pour le moins plaisant. Vraiment il est dommage qu’il patine de la sorte sur le plan narratif. A l’évidence, ce n’est pas le meilleur Lubitsch, ni le meilleur Garbo. A noter qu’un remake bien plus efficace a été réalisé par Rouben Mamoulian sous la forme d’une comédie musicale avec Fred Astaire et Cyd Charisse. Cet opus rebaptisé La Belle de Moscou (1957) est à mes yeux bien plus réussi que le Ninotchka original. Lubitsch aurait dû y penser : qui sait, peut-être « Garbo chante » aurait mieux fonctionné que « Garbo rit ».

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