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La Lanterne
5 novembre 2009

La Nana (Sebastián Silva, 2009)

la-nana-la-bonne-la-nana-14-10-2009-5-gRares sont les films latino-américains qui sont parvenus à me séduire. Par conséquent, gloire à La Nana qui, à lui seul, aurait de quoi me réconcilier cinématographiquement parlant avec la totalité du continent ! Cette petite perle nous vient du Chili et se focalise sur la vie d'une "nana", soit une employée de maison dont les tâches sont à mi-chemin entre celles de la bonne et de la nounou (bien que désormais absente par chez nous - excepté dans les grandes familles bourgeoises - cette fonction est très courante dans les pays d'Amérique du sud). Notre nana à nous s'appelle Raquel, dispose d'un caractère bien trempé et officie dans la même famille depuis plus de vingt ans. Seulement voila, ces derniers-jours Raquel fait preuve de quelques signes de faiblesse et se laisse quelque peu déborder par les évènements. Sa patronne décide alors d'engager une autre gouvernante pour l'aider dans ses tâches quotidiennes. Une idée qui loin de réconforter Raquel, la dérange au plus haut point.

 Sebastian Silva a intelligemment structuré son film en trois parties très différentes et pourtant conséquentes les unes aux autres. Raquel est une nounou maniaque et depuis toujours vouée à la famille pour laquelle elle travaille. L'ouverture du film est d'ores et déjà très claire sur les rapports entretenus entre la domestique et ses patrons dans la maisonnée : elle n'est pas de la famille mais c'est comme si ; à la simple différence qu'elle mange dans la cuisine et ses maîtres dans la salle à manger. C'est une nounou intégrée et appréciée par la quasi-totalité de la maisonnée. Dans la première partie du film, Silva s'applique à définir le territoire de Raquel ; un territoire non seulement géographique mais aussi moral en ce qui concerne l'influence qu'elle a sur les enfants. Toutefois, si elle s'octroie un pouvoir au sein même de la demeure, son véritable univers s'en tient à sa petite chambre : un lit où s'alignent quelques peluches, une commode où repose une télévision et un chevet où trône un album photo. À la voir graviter dans sa pièce, on comprend rapidement que Raquel a depuis toujours sacrifié sa vie privée pour se dévouer complètement à son travail.

la-nana-la-bonne-la-nana-14-10-2009-2-gLa deuxième partie du film démarre alors que Raquel se voit affublée d'une seconde main pour l'aider dans ses tâches ménagères. Plus comique, cette partie confère à notre nana l'animosité d'une tatie Danielle. Les employées défilent, toutes plus différentes les unes que les autres, et Raquel avide de défendre son territoire, s'emploie à les pousser à bout. C'est avec l'arrivée de la troisième remplaçante, Lucy, que démarre la dernière partie du film, celle où le réalisateur met son personnage principal face à elle-même. Les deux femmes qui l'ont précédé en sont venu aux larmes ou aux mains, mais Lucy est différente et sait prendre de la distance face aux manigances de la furie. C'est d'ailleurs par son intermédiaire que Raquel finira enfin par mettre le pied à l'étrier de sa propre vie.

Le film fouille en profondeur le statut de la nana, foncièrement difficile car généralement privatoire en terme de développement personnel. Par l'intermédiaire de son personnage principal, Sebastian Silva encourage à une distanciation nécessaire des rapports entre employeur et employé. Certes il y a de la psychologie voire un certain militantisme social là-dessous. Rien à reprocher pour autant : le discours s'intègre subtilement et intelligemment à la narration. Parallèlement, la précision de la direction d'acteurs et le cadrage à l'épaule fomentent une ambiance troublante de réalisme. Tant et si bien qu'on colle à la peau de Raquel sans pour autant plébisciter ses choix. Le discours est systématiquement détaché de tout manichéisme et aboutit néanmoins à un sentiment inéluctable : même en étant passé par quelques effets d'incompréhension, voire de haine concernant son attitude, on finit par comprendre Raquel et constater avec bonheur sa prise de conscience.

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