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La Lanterne
17 février 2008

La Nuit nous appartient (James Gray, 2007)

lanuitnousappartient01Je ne connaissais pas James Gray... Et c'est ce qui fit de moi le plus heureux des hommes lorsque s'ouvrit face à moi cette « surprise » qu'est La Nuit nous appartient. Car si Hollywood fut un temps ouvert aux jeunes cinéastes (dans les années 70), aujourd’hui ce sont toujours les mêmes qui font tourner la boîte. Évidemment, on ne se lassera jamais de voir les films où De Palma, Coppola, Scorsese, Eastwood, et autres Spielberg sont aux commandes… Bien entendu ! Sans eux, cela ferait un bon moment que toute œuvre défendant un quelconque « intérêt artistique » aurait été expulsé des studios avec un gros coup de pied au derrière au profit du fric, du fric, et encore du fric.  Alors, on se contente de soupirer. Non, on ne baisse quand même pas les bras mais on regrette. On regrette ce cinéma d’antan qui a su nous surprendre. Oui, les étincelles d’inventivité se font de plus en plus rares outre-atlantique. En cette année 2007, elles ont été quasi-inexistantes. De ce fait, la sortie sur les écrans de La Nuit nous appartient apparaît comme une étincelle d’autant plus éclatante qu’elle était inespérée. Mais attention… « éclatante » ne signifie pas pour autant « innovante » et pour cause ! Sur le plan scénaristique, ce cher James "ose" nous ressortir un classique : l’éternel combat entre la police et la pègre – un sujet que le cinéma sort régulièrement de ses cartons pour le réemployer avec succès. Différents maîtres de toutes périodes, de tous genres et de toutes nationalités l'ont exploité à leur sauce : d’Alfred Hitchcock à Sergio Leone en passant par Fritz Lang ou Jean-Pierre Melville. A présent c'est au tour de James Gray, sa carte de « cinéphile acharné » en main, de nous proposer sa déclinaison du genre : dans les années 80 à New York, Bobby est le jeune patron d’une boite de nuit appartenant aux Russes. Dans le but de continuer son ascension, le jeune homme prend bien soin de dissimuler ses origines. Et pour cause : son frère et son père sont des membres éminents de la police new-yorkaise. Mais le fossé se creuse et avec l’explosion du trafic de drogue, la mafia russe étend son pouvoir sur le monde de la nuit. Inévitablement, Bobby doit finir par choisir un camp.

lanuitnousappartient03Face à cette histoire peu innovante qui nous replace face à l’éternel conflit entre russes et américains, on préfère parler d’ « hommage par fatalité » plutôt que de « manque d’inspiration ». On l’évoquait plus haut, nous « regrettons le cinéma d’antan ». Pourquoi James Gray, cinéphile assouvi, penserait-il autrement ? Non, il ne cherche pas à surprendre. Simplement à s’adapter en divertissant, mais aussi et par-dessus tout, en soignant sa mise en scène. Alors c'est tout vu, La Nuit nous appartient sera un film hommage. La première scène qui s’ouvre sur les ébats de Bobby et de sa girlfriend Amada (sublime Eva Mendes) sur « Heart of glass » de Blondie nous plonge directement dans l’ambiance : le sexe, la fête, l’alcool, les 80’s… un monde qui, sur le moment nous semble presque parfait, et que l’on en viendrait presque à regretter. Un peu plus tard, un autre monde s’offre à nous : celui des flics dont la grosse « party » annuelle a des allures de « kermesse ». Au milieu de la troupe… tiens par exemple ! C'est-y-pas Robert Duvall ! Le chef des flics est le même que dans Colors (Dennis Hopper), John Q (Cassavetes), j'en passe et des meilleurs. Encore une fois, on refile à ce merveilleux acteur hollywoodien la casquette du « bon flic », ce n'est certes pas une coïncidence… Alors une fois les ingrédients réunis, reste à tout laisser mijoter "façon James Gray". Le bien et le mal. La justice et la débauche. Ne nous leurrons pas, avant d'être quoi que ce soit d'autre, La Nuit nous appartient est un film d’action des plus efficaces. L’infiltration fait place à la chasse, la solitude à la paranoïa… le danger est partout. James Gray nous sert des moments d’un suspense particulièrement intense. La palme revient d'ailleurs à la merveilleuse course poursuite en voiture : pas de contre champ, danger permanent mais invisible, caméra instable, silence insoutenable… Voici l'un des nombreux exemples qui font de James Gray l’un des metteurs en scène les plus novateurs qui émergent d’Hollywood.

lanuitnousappartient02Mais alors, l’intérêt de ce film ne serait donc que formel ? Bien sur que non ! Le choix de ce sujet intemporel n'est pas anodin. James Gray l'exploite sous un angle qui appuie son véritable statut d’auteur. « La frontière entre et le bien et le mal » n’est pas le sujet majeur du film. Le personnage de Bobby (interprété magistralement par Joaquin Phoenix) est bien la preuve que s’improviser funambule est décidément un jeu bien dangereux. Le fun ou l’ennui ? La pègre ou la justice ? La Russie ou l’Amérique ? Deux familles… c’est finalement son sang qui aura raison de lui. Pourtant, ce n’est pas les bras ouverts et le sourire au visage que papa et frérot l'accueillent dans leur clan lorsqu'arrive l'heure de choisir. "La police" : voila à mon sens ce qu’est le véritable sujet de La Nuit nous appartient. La police, soit le pouvoir et sa crédibilité. La mafia russe des années 80 est l’Al Qaida d’aujourd’hui. Phoenix, Duvall et Walhberg sont ces justiciers qui sacrifient leur famille pour donner leur vie à la nation. Le patriotisme serait-il enclin à devenir un poison ? James Gray nous dit oui, puis James Gray nous dit non. Le film devient un schéma de fonctionnement. L’américain moyen est soumis au mal malgré lui, et doit sacrifier sa vie pour pouvoir un jour se débarrasser de cette fichue maladie. L’issue est fatale : malgré ce que nous montre le cinéaste, l’histoire commence bien avant les années 80, et aujourd’hui en 2007, elle est encore loin d’être terminée.

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Commentaires
S
Un film qui par son intensité, sa noirceur et la destinée fatalement peu enviable de ses personnages (on est dans un Parrain sans grosse ambition) fait du bien au cinéma. La scène de poursuite en bagnole est en effet un pur moment de gravité artistique. Dommage que la fin soit bâclée... et que James Gray soit passé après ça à la pov' comédie sentimentale. Enfin, il était en sélection à Cannes avec. Va comprendre...<br /> PS: si tu ne connaissais pas Gray, empresse-toi de mater Little Odessa et The yards, un poils encore au-dessus
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