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La Lanterne
19 février 2008

Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940)

rebecca011940, Hitchcock peut enfin voir les choses en grand ! Après une fructueuse carrière en Grande Bretagne, le voila emporté par la pompe aspirante Hollywoodienne (parmi les autres victimes européennes on comptera entre autres Fritz Lang, Ernst Lubitsch ou Jean Renoir). Pour son premier film américain, celui qu’on qualifiera plus tard de « maître du suspense » sera amené à collaborer avec le producteur le plus réputé du moment. Et pour cause, David O. Selznick est à l’origine d’Autant en emporte le vent, film-monument par excellent sorti en salles un an auparavant. Si Rebecca est moins ambitieux, il n’en est pas moins réussi. Le film est adapté du roman du même nom de Daphné du Maurier (le même auteur qui sera à l’origine des Oiseaux adapté vingt-trois ans plus tard). L’intrigue nous ramène en Angleterre où un riche et beau lord, Maxime de Winter, vient d’épouser une modeste dame de compagnie rencontrée par hasard sur la côté d’Azur. La jeune femme tente en vain de faire ses marques au domaine de Manderley. Dans ce somptueux château, tout le personnel régenté par l’intendante Mrs. Danvers, vit dans le souvenir de Rebecca, la première épouse de Maxime morte dans des circonstances mystérieuses. La jeune Mrs. de Winter a du mal dans ses premiers pas en tant que châtelaine face à un mari qu’elle connaît finalement très peu et ne cesse d’irriter…

Les exigences du producteur et l’accent victorien du roman pèsent sur la première partie du film. Hitchcock se moque éperdument de l’étape de la rencontre qui constitue le seul vrai défaut de Rebecca : le couple met bien trop de temps à se mettre en place. Ce qui intéresse le cinéaste, c’est le matériau psychologique qui émanera de la relation. Ici, la jeune femme (qui n’a même pas de prénom) se retrouve dans une situation d’infériorité permanente face à son mari, mais aussi face à la gouvernante (qui ira jusqu’à la pousser au suicide), et au domaine de Manderley dans son ensemble, hanté par le souvenir de Rebecca. Cette manipulation des êtres par la peur, Hitchcock la développera tout au long de son œuvre. Les Amants du Capricorne (1949) exploitera peu ou prou les mêmes thèmes (maîtresse et gouvernante, mari et femme) toujours dans cette tonalité victorienne et spectrale. Vertigo (1958) quant à lui, remaniera à son tour ce sentiment d’infériorité qui pèse sur le couple. Dans Rebecca, Hitchcock utilise à profit ce qui aurait pu lui faire défaut en insérant son histoire de meurtre dans un effet de renversement, l’effroi fantôme laissant sa place au pur suspense. Autant dire que là, le cinéste est bel et bien dans son domaine. 

rebecca03Ce qui est fascinant dans Rebecca, c’est aussi la manière dont Hitchcock manie son héroïne. La jeune Mrs. de Winter est traitée en personnage de conte. On aura pensé à la comparer à Cendrillon bien avant que le personnage de George Sanders ne s’en charge. Mais elle aurait tout aussi bien pu être une Alice errant dans un pays des merveilles ou une énième femme de Barbe Bleue à la découverte des pièces interdites (la chambre de Rebecca). Le personnage incarné par Joan Fontaine est traité en princesse soumise et sujette à l’effroi, manière tout à fait surprenante – et efficace – de produire du suspense. Les rapports à la mort émanent également de cette atmosphère enchantée, notamment via le personnage de Mrs. Danvers, gouvernante maléfique et victime d’une fascination quasi-sexuelle pour sa précédente maîtresse. Un ton auquel participe activement le traitement de l’espace, Manderley étant peint de bout en bout comme un château hanté.

rebecca02Hitchcock n’a pas hésité à conférer un ton éminemment britannique à sa première expérience hollywoodienne. Finalement, le film n’a d’américain que son budget. En quelque sorte, il constitue l’adieu de l’auteur à sa terre d’origine qu’il ne retrouvera qu’à la toute fin de sa carrière. Rebecca témoigne d’une griffe d’auteur évidente, le cinéaste ayant réussi à transformer les défauts du roman de Daphné du Maurier en avantages. Il marque aussi l’ouverture d’un axe psychologique qu’Hitchcock se délectera à développer tout au long de sa carrière. Forcément, à voir !

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